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La théorie de l'attachement

  • marialegall85
  • 28 oct.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 29 oct.


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Le rythme est devenu vraiment intense entre le travail rémunéré à temps plein et le travail non rémunéré (petite référence aux articles sur le care qui se trouvent ici et ici si vous ne les avez pas lus). J'ai tout de même envie de continuer à faire vivre ce blog, alors je vais vous proposer des articles sur ce que je découvre, lors des formations ou webinaires auxquels je participe. Et justement, j'ai participé à 5 webinaires l'hiver dernier sur le thème de la théorie de l'attachement. Je ne connaissais pas cette théorie et elle m'a semblé intéressante à découvrir. Bien entendu, on ne devient pas spécialiste en 5 webinaires, donc ce que je vous propose n'est pas approfondi. Il s'agit d'un résumé de ce que j'ai appris qui pourra, je l'espère, vous donner envie d'aller creuser ce sujet si vous en avez le temps.


La théorie de l'attachement ce n'est pas l'amour


Dans le langage courant on utilise le terme attachement pour faire référence aux liens affectifs, on est alors dans le domaine de l’amour. Lorsque l’on parle du système d’attachement, en lien avec la théorie de l’attachement, on est dans un autre domaine. Il s’agit d’une composante du lien entre l'enfant et ses parents ou la ou les personnes qui prennent soin de lui. L’amour aussi est une composante de ce lien, mais ce n’est pas d’amour dont on parle dans le cas présent, mais de sécurité intérieure. La théorie de l'attachement est une théorie de psychologie dont le fondateur est John Bowlby, un psychiatre et psychanalyste anglais qui s'est intéressé aux enfants séparés de leurs familles après la seconde guerre mondiale. Il s'est opposé à certaines théories de psychanalyse, en vigueur à cette époque, qui expliquaient le lien entre l'enfant et sa mère par la nourriture qu'elle lui donne. Bowlby, lui, parle plutôt d'un ensemble de comportements innés qui favorisent la relation pour la survie de l'espèce.


Un fonctionnement humain génétiquement programmé


Le système d’attachement est un des systèmes motivationnels de l’humain. Ce sont des systèmes avec lesquels nous naissons, et qui permettent aux individus de survivre et de s’épanouir. Il y en a plusieurs dont le système d’attachement, le système de caregiving (la capacité à prodiguer des soins) et le système d’exploration. Les deux premiers sont des systèmes interpersonnels, puisqu’ils impliquent la relation, alors que le système d’exploration est un système de ressources personnelles.


Le système d’attachement est un système d’alerte qui s’active quand l’enfant se sent en insécurité, ce qui peut impliquer de la peur, de la faim, de la douleur ou encore de la fatigue, car l'insécurité peut être intérieure ou extérieure. On parle donc de comportements d'attachement en situation de détresse / danger / menace, car l’enfant va alors émettre des signaux qui expriment l’insécurité et l’inconfort. Ces signaux ont pour objectif d’alerter la figure d’attachement (c’est-à-dire la personne qui prend soin de l’enfant) afin qu’elle apporte du réconfort. Ces signaux peuvent aller des comportements de type sourire ou babillage, qui ont pour objectif de créer de la proximité avec la figure d’attachement, aux comportements aversifs (cris, pleurs, coups). Cette vidéo est très intéressante pour le comprendre, car on peut voir l’évolution des signaux émis par le bébé face à l’indisponibilité de sa mère :


Cela permet de prendre du recul par rapport à notre interprétation d'adulte des comportements des enfants: un bébé ne va pas chercher à attirer l'attention, il va rechercher la proximité avec sa figura d'attachement, c'est une question de survie. A ce sujet, je conseille la lecture du dernier livre de Mona Chollet, dont un des chapitres porte sur le regard que la société française porte sur les enfants (les références sont en bibliographie).


Le lien d’attachement se construit dans le temps à travers la répétition des actions de soin. Le bébé qui se sent en insécurité émet des signaux, qui activent le système de caregiving du parent, qui apporte alors réconfort et protection, permettant à l'enfant de retrouver une sentiment de sécurité intérieure. Il existe des figures d’attachement principales et secondaires. La figure d'attachement principale est le plus souvent la mère, puisque c'est généralement à elle qu'incombe le soin des enfants, tout particulièrement pendant les premières années. Cependant, ce n'est pas forcément le cas et toutes les personnes qui prennent soin de l'enfant de façon continue et cohérente peuvent devenir ses figures d’attachement.


Point sur les besoins de l'enfant


Quand on parle de besoins fondamentaux, on pense généralement à la pyramide de Maslow, mais c'est une représentation des besoins de base qui n'est pas adaptée à l'enfance. Pour arriver à une définition commune des besoins de l'enfant, une démarche de consensus pluridisciplinaire et transversale a été organisée en 2016 avec des acteurs et actrices de la protection de l'enfance (vous pouvez le trouver le rapport de février 2017 ici). La conclusion du rapport est que, dans le cadre de l'enfance, le besoin de sécurité est considéré comme un méta-besoin, c'est à dire que le besoin de sécurité physique, psychique et affective conditionne la satisfaction des autres besoins qui sont les suivants : le besoin d'expérience et d'exploration du monde, le besoin d'un cadre, de règles et de limites, le besoin d'estime de soi et de valorisation de soi et le besoin d'identité. C'est ce que vous pouvez voir sur l'illustration ci-dessous que j'ai extraite du rapport.


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Les figures d'attachement représentent le socle de sécurité à partir duquel les enfants vont commencer à explorer le monde qui les entoure. L'enfant qui se sent en sécurité physique, psychique et émotionnelle agrandit son cercle d'exploration, en sachant qu'en cas de danger il peut retourner voir sa ou ses figures d'attachements pour se rassurer.





Les stratégies et liens d'attachement primaires et secondaires


Le système d’attachement mélange l’inné et l’acquis puisque, comme nous l'avons vu, nous naissons toutes et tous avec un système d'attachement actif, mais ce système est ensuite modelé par la répétition des situations vécues. C’est à travers la répétition que se mettent en place les schémas de comportement et les stratégies d’attachement. Les situation de vie des uns et des autres n'étant pas les mêmes, et les adultes qui entourent l’enfant n'étant pas toujours disponibles pour le réconforter, il existe des stratégies d'attachement primaires, liées à l’attachement sécure, et des stratégies d'attachement secondaires, liées à l’attachement insécure parmi lesquelles:


- Le lien d’attachement insécure évitant: la figure d'attachement n’est pas disponible pour répondre de façon adéquate aux signaux envoyés par l’enfant. Il.elle peut être en dépression, préoccupé.e ou tout simplement ne pas savoir comment répondre. L’enfant arrête donc d’envoyer des signaux et se débrouille seul pour ne pas embêter sa figure d'attachement. Il.elle se met en retrait relationnel.

-Le lien d’attachement insécure ambivalent/résistant: l’enfant met en place des comportements d’attachement aversifs: des insultes, de la provocation, un refus des aliments, de la violence etc. Ce sont des témoignages d’insécurité par l’attaque. Plus on va exclure l’enfant, plus il.elle va attaquer.

- Lien d’attachement désorganisé: dans ces situations, c’est la personne qui devrait prendre soin de l’enfant qui est source de danger. Cela désorganise l’enfant, la peur le.la paralyse et cela peu avoir des conséquences sur la santé mais aussi sur le développement et les apprentissages.


Le système d'attachement et le système d'exploration sont liés


Il faut noter en effet qu’il existe une corrélation inversée entre les systèmes: quand le système d’attachement est activé, le système d’exploration se fige. Il en va de même avec le système de caregiving des parents, puisque le système d’attachement est acquis depuis la naissance et actif jusqu’à la mort. Donc, pour la figure d’attachement d’un enfant, il devient difficile d’avoir l’empathie suffisante et les ressources pour rassurer l’enfant quand son propre système d’attachement est activé trop longtemps. Une personne qui souffre au travail par exemple, sera plus difficilement en mesure d’être empathique et compréhensive avec son enfant quand celui-ci ou celle-ci émet des comportements d’attachement. De la même façon, dans le cadre de mon travail actuel, qui est l'enseignement du français au public étranger, l'insécurité administrative et matérielle dans laquelle vivent (ou survivent) certaines personnes, complique sérieusement l'apprentissage de la langue. La théorie de l’attachement peut donc éclairer certaines situations auxquelles nous sommes confrontés.


Un cadre de compréhension à utiliser avec des pincettes


Comme pour toutes les théories, c’est une possibilité d’éclairage des situations, mais ce n’est pas la seule. De façon générale, il faut toujours prendre du recul avec les catégorisations qui peuvent enfermer les individus dans des cases. Les catégorisations ont pour objectif de nous aider à donner du sens au réel, mais attention à ne pas enfermer, à ne pas interpréter les situation uniquement depuis la perspective de l'attachement, puisque d'autres éléments entrent en jeu. Il ne faut pas non plus oublier d’avoir une vision dynamique des choses. Rien n’est figé et il est possible de vivre des expériences relationnelles correctrices tout au long de la vie, qui permettent de gagner en sécurité, ou à l’inverse, de perdre la sécurité en fonction des environnements.


Ce webinaire était à destination des travailleuses et travailleurs du champ de la parentalité et de l'enfance, mais les conclusions me semblent intéressantes pour toutes et tous. La question était de savoir comment créer du lien et apporter de l'aide aux personnes en difficultés, en sachant que bien souvent ces personnes ne vont pas demander d'aide car l'aide peut être perçue comme menaçante ou trop risquée. La formatrice insistait sur l’importance d’adopter une posture empathique, compréhensive et non jugeante (ça va sans dire mais ce n’est pas possible de ne pas le dire). Une posture qui favorise la confiance, puisque les personnes qui accompagnent prennent le rôle de caregiver (la personne qui rassure). Elle conseillait aussi de ne pas interpréter une absence à un rendez-vous (dans le cas des travailleurs et travailleuses du social) systématiquement comme un manque de motivation ou d'intérêt, mais de penser qu’il peut s’agir d’une réaction liée à un système d’attachement insécure et de ne pas hésiter à rappeler la personne. Personnellement, je trouve que ce genre de conseils entre en résonance avec la réflexion sur la communication interculturelle (si le sujet vous intéresse, l'article est ici) : toujours se rappeler que notre interprétation est liée, entre autre, à notre vécu et à nos codes culturels, et essayer autant que possible de ne pas juger, de ne pas se braquer et de garder toujours ouverte la possibilité du dialogue. Avoir de la douceur en somme, envers soi et envers les autres, ce qui en ces temps de brutalité politique peut être aussi une façon de résister.


Bibliographie :


-"Les origines et concepts de la théorie de l'attachement", de Romain Dugravier et Anne-Sophie Barbey-Mintz. Un article paru en 2015 dans la revue Enfance et psy et qui est en accès libre : https://shs.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2015-2-page-14?lang=fr

-"Résister à la culpabilisation" de Mona Chollet, aux éditions La découverte.

-"La sécurité émotionnelle de l'enfant" d'Anne Raynaud, aux éditions Marabout.

-Et si vous voulez approfondir le sujet, les livres de John Bowlby et Mary Ainsworth.



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